Ambiance musicale : Lynyrd Skynyrd, Sweet Home Alabama (acoustic)
Quelques instants plus tard, le paysage d’Ankwane n’est qu’un souvenir et le vaisseau de Zarakis rentre dans l’espace, approchant de la station orbitale où l’attend le régisseur Iridian et son ennemi atavique, Kenyl Arkies. En quelques minutes à peines, le vaisseau s’arrache à l’atmosphère de la petite planète, traverse l’espace, se pose sur le pont d’amarrage de la station spatiale. Alors que la porte qui mène du pont à la station s’ouvre sur un émissaire tremblant, le maître de la Grande Maison Zamal entre comme chez lui dans ce lieu inconnu. Nul n’ouvre la bouche alors que la cohorte de soldats et tueurs passe devant l’envoyé d’Entaris Iridian, les uns perdus dans leurs pensées, l’autre dans la seule volonté de ne pas provoquer d’écart qui puisse irriter son prestigieux et irascible invité.
Le petit groupe passe devant d’immenses baies vitrées qui s’ouvrent sur l’espace. Tous tournent la tête pour voir le grand vaisseau noir qui trône dans la baie spatiale de la station. La vision magique de la Nuée Stellaire arrache à ce son auditoire des regards émerveillés voire des exclamations soufflées du bout des lèvres. Il n’y a aucun geste rituel comme chez les Arkies un peu plus tôt, plutôt un respect pour la force du symbole qui se trouve juste face à eux. Ce pourrait être une copie, un coup de bluff de l’empereur ou d’Iridian pour impressionner son monde. Mais Zarakis plus que tout autre sait que ce n’est pas le cas : sur la coque parsemée d’éclat de canons lasers, il peut voir de vieilles cicatrices que ses propres bâtiments ont laissé au vaisseau d’Avraham. Ce satané vaisseau ! Combien de bataille a-t-il fait pencher en la faveur du camp des rebelles ? Il arrivait toujours sans crier gare, telle une flèche noire perçant les rangs bien ordonnés des bataillons spatiaux de Zarakis, semant la terreur et la destruction dans son sillage. Toujours Avraham amenait avec lui une nouvelle surprise, un nouveau tour de magie stellaire qui venait mettre à plat les plans stratégiques travaillés avec soin. Cela ne lui amenait pas toujours la victoire mais combien de fois avait-il fait rendre gorge à des flottes deux à trois supérieures en nombre… Plus que le magicien, le leader d’homme, ce que Zarakis avait admiré chez Avraham c’était sa formidable capacité de pilotage. La Nuée Stellaire n’avait pas survécu à toutes les batailles dans lesquelles elle se jetait corps et âme que par sa supériorité technologique ; elle s’en était sorti parce que le chef du camp Arkies-Deck-Falgan-Galiossa était le plus brillant pilote de guerre que le chef de la Grande Maison Zamal ait vu à l’œuvre. Il ne l’aurait jamais admis, bien sûr, mais combien il avait eut peur de cet homme hors normes, son vaisseau noir qui par sa seule présence changeait le cours des conflits. Avraham avait été le plus valeureux des adversaires : malgré son ascendance Galiossa, un peuple de couards faibles et lâches, il y avait en lui le feu de ceux qui aiment se retrouver au centre du conflit, le courage des hommes qui ne reculent pas lorsque vient le moment de mettre leur vie en jeu. Et parce qu’Avraham avait été si fort, si puissant, sa victoire à lui, Zarakis Zamal, n’en était que plus glorieuse. Son seul regret avait été de ne jamais avoir pu abattre la Nuée Stellaire. Il aurait alors fait mourir tout espoir chez les rebelles, il le savait. Mais même lors de leur défaite à Pak’Toris, les fidèles d’Avraham avaient réussi à fuir dans leur vaisseau emblématique. Zarakis n’avait aucune idée de la façon dont Ma’Kin II avait pu mettre finalement la main sur l’ancien vaisseau de son adversaire et pourtant ami, Avraham ; mais il était là et c’est tout ce qui comptait aujourd’hui.
La troupe arrive finalement jusqu’aux portes de la salle de réception. On ouvre prestement à son arrivée et celle de sa troupe, avec des gestes frénétiques qui trahissent si bien la peur qu’ils inspirent. L’Empire dans sa totalité sait de quoi les Zamals sont capables, leur goût du combat, leur patience limitée. Ils ont toutefois oublié à quel point les Zamals sont également loyaux à Ma’Kin II, qu’ils ne feront jamais rien qui puisse déstabiliser l’Empire. Mais qui se soucierait de la mort de quelques serviteurs s’il prenait l’envie à l’un des combattants de la troupe de Zarakis de se servir de ses armes ? Un à un, les émissaires et les gardes s’effacent pour laisser la cohorte rentrer. Le spectacle est à la mesure de ce à quoi le vieux Zarakis s’attendait : une salle longue, à la hauteur démesurée, dont le mur du fond est une immense vitre qui donne sur l’espace. Au loin, on peut voir clairement Anwane qui brille dans une aura bleutée. Les Arkies sont là, bien entendu, déjà en rang les uns derrières les autres face au trône qu’occupe le jeune Entaris Iridian.
Sans qu’un mot ne soit échangé, les Zamals viennent occuper une position similaire, chacun faisant face à un représentant de la Grande Maison adverse. Seuls Kenyl Arkies et Zarakis Zamals se tiennent au premier rang devant le régisseur impérial. L’éclat de colère qu’il a vu passer sur le visage du seigneur Arkies fait sourire Zarakis : il ne s’attendait pas à cette confrontation. Il sait aussi que le pauvre Kenyl Arkies qui lui fait face ne doit rien comprendre à la situation actuelle et que son cerveau doit être proche de la surchauffe tant il doit tâcher de rattraper le retard d’information qu’il a sur ses adversaires. Lui comme les autres d’ailleurs : hormis le placide Garon Bazir, aucun des Arkies alignés les uns à côté de autres ne saisit ce qui est en train de se jouer. Scène amusante en vérité : deux colonnes d’hommes et de femmes qui se font face, deux rangées d’images d’Epinal de leur Grande Maison respective, Arkies face à Zamal. Ils se font face et dans cet affrontement du regard se cache toutes leurs différences. Il y a d’abord leurs accoutrements : alors que les Arkies arborent tous des tenues splendides mais dont l’élégance semble décalée dans un tel endroit, les Zamaals portent tous l’uniforme traditionnel noir et rouge de leur Maison. L’uniformité de leur vêtement leur confère une force sociale indéniable, une cohésion que n’ont pas les Arkies. Mais il serait stupide de se gausser du pouvoir doux de la diplomatie : les Arkies en imposent, ils sont beaux, désirables, comme Célia, la fille de Kenyl qui capte tous les regards tant sa beauté éclate au grand jour. Autre différence notable : la présence des femmes. Si les Arkies sont presque à égalité dans les sexes, il n’en est pas de même pour les Zamal qui n’ont amené ici que des hommes. Vieille tradition patriarcale contre progressisme et ouverture d’esprit. La stabilité de l’une contre la complémentarité de l’autre. Vient après l’âge des gens réuni ici : si les Arkies font la part belle à la jeunesse, au point d’en sembler naïf dans leur approche des négociations, les Zamals ne sont venus qu’entre adultes. A une exception près, personne chez les Zamals n’a moins de trente ans et Zarakis lui-même ne peut plus marcher sans sa cane de métal. Les Arkies ont toujours eut la vénération de la jeunesse, plaçant leurs espoirs dans la croyance chevillée au corps que leurs enfants seront meilleurs que ceux qui les ont précédés. Les Zamals eux avaient le culte du héros, de l’être unique, au-dessus du lot qui viendrait guider la masse vers un destin meilleur. Ils ont d’ailleurs fière allure les héros de Zarakis ! A sa gauche, il y a là Rin Eilov, le bretteur magicien, fine lame et Mage Stellaire de causes perdues. Entre Rin, homme élancé aux longs cheveux blonds qui flottent au vent, et Dartas Huji des Arkies, la tension est palpable. Juste à côté du duelliste, vient son grand ami, le général Eliat Tharn ; contrairement à Lowis Murpugo du camp Arkies, c’est un individu malin et un grand stratège, capable de juguler la peur qui s’empare de ses hommes à travers de grands discours de ralliement qui sont appris par cœur par les jeunes recrues de l’académie militaire. Juste à côté, complétant le trio guerrier des Zamals, vient Darab Mu, métisse entre une Zamale et un habitant d’Ankwane. Comme il a eu du mal à contenir son émotion lorsqu’il a foulé le sol de la planète ! Récipiendaire des arts de meurtre des habitants d’Ankwane, il a failli vaciller sous le l’afflux de la nostalgie et de la beauté du paysage. Pourtant, de tous ceux à qui les Arkies font face, c’est probablement celui est catalogué comme étant le plus dangereux tant les récits de sa rapidité et de son instinct dans le combat les ont fait trembler. Contrairement aux légendes qui courent, ce n’est pas l’un des siens qui a mit fin aux jours du père de Kenyl Arkies, plus probablement un assassin de la Grande Maison Rin. Reste que la méfiance affichée du camp adverse pour ce tueur à l’œil humide devant le spectacle de sa planète natale est bien réelle. Puis vient le dernier, le seul qui ne soit pas un vétéran gradé de la guerre civile, le plus doué de tous selon Zarakis et celui qui canalise les rêves les plus fous du maître de la Grande Maison, son petit-fils d’à peine douze ans, Perin Zamal. Il est tout juste sorti de l’enfance mais déjà on voit poindre en lui l’empreinte des grands hommes, cette marque distinctive des êtres hors normes que tous, sitôt qu’ils ont posé les yeux sur lui, savent au premier coup d’œil que son destin sera de mener le plus grand nombre vers de grandes choses.
Entre les deux lignes, impérial comme son rang le lui impose, Entaris Iridian trône avec cette assurance de ceux qui n’ont jamais été vaincus quand bien même ils ont livrés de durs combats. La puissance évidente qui émane de lui, la fatale constatation de sa domination sur ceux qui sont rassemblés ici, est visible de tous. Il les jauge, les examine, semble indifférent à leur rang, leurs exploits, leur force individuelle. Pourtant, le Planétologue n’a pas dans le regard ce mépris qu’ont souvent ceux qui acquièrent le pouvoir du jour au lendemain, sans l’éducation nécessaire pour l’exercer avec sagesse et intelligence. Il se contente d’être là, observant les divers acteurs du jeu qu’il va mettre en place dans les instants à venir. Il est la volonté de l’Empereur, le prolongement des décisions prises par Sa Majesté Ma’Kin II qui font loi sur les centaines de milliards de sujets de l’Empire. En lui, on sent toute la force et le poids de sa charge, la valeur de sa parole et de ses décisions qui décident du sort de planètes entières. Enfin, il se décide à parler.
« Nobles seigneurs, dignes héros des Grandes Maisons de l’Empire, je suis ici pour exprimer le souhait de sa Seigneurie Ma’Kin II, arbitrer et juger la compétition qui va vous opposer dans les mois à venir. Comme certains d’entre vous le savent, le seigneur tributaire de la planète autour de laquelle nous gravitons actuellement, Awkwane, est décédé il y a peu. Le sol sur lequel nous nous trouvons est donc sans maître. Il est de la volonté de Sa Majesté d’en conférer la charge à une Grande Maison afin d’en assurer la pérennité et la stabilité. Mais dans sa sagesse, l’Empereur n’a pas voulu attribuer dans la hâte la possession d’Ankwane à qui que ce soit ; c’est la raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui, afin de remplir un rôle d’arbitre dans cette décision. Ma présence démontre toute l’importance avec lequel l’Empereur s’inquiète du sort de ses sujets. Vous êtes, Arkies et Zamals, les deux seuls qui soient digne du droit de posséder Ankwane, les deux seules Grandes Maisons qui puissent prétendre à la gestion d’une planète de cette envergure afin de lui assurer un avenir à sa mesure. C’est pourquoi vous vous opposerez dans un duel d’honneur afin que je puisse déterminer à laquelle de vos deux Grandes Maisons cette planète échoira. Il s’agit pour l’Empereur de juger vos qualités respectives, votre habileté et votre intelligence. Je vous souhaite bonne chance dans cette compétition et prie pour que les Galaxies accompagnent vos décisions. »
Avec gravité, Entaris Iridian fixe tour à tour l’un et l’autre des seigneurs des Grandes Maisons qui hochent tous deux la tête chacun leur tour dans un geste d’assentiment. Comme s’ils lisaient dans l’esprit l’un de l’autre, tous deux tournent la tête pour s’affronter du regard un bref instant, confrontant leurs ambitions respectives vis-à-vis du destin d’Ankwane. S’ils avaient eu la présence d’esprit de regarder du côté de ceux qui les accompagnent, ils auraient vu de part et d’autre le même jeu de regard entre les divers intervenants rassemblés ici.
D’un geste Entaris fait signe à tous que le conseil, aussi bref que lapidaire est terminé. Après les respects d’usage, Zarakis regagne son vaisseau personnel, suivi de sa suite. Il monte dans l’engin spatial, s’assied dans le salon sur le siège qui lui est réservé, attend que tout le monde prenne place et, avec un sourire carnassier qui lui mange tout le visage, déclare dans le silence ambiant :
« Messieurs, voici la guerre. »
Le petit groupe passe devant d’immenses baies vitrées qui s’ouvrent sur l’espace. Tous tournent la tête pour voir le grand vaisseau noir qui trône dans la baie spatiale de la station. La vision magique de la Nuée Stellaire arrache à ce son auditoire des regards émerveillés voire des exclamations soufflées du bout des lèvres. Il n’y a aucun geste rituel comme chez les Arkies un peu plus tôt, plutôt un respect pour la force du symbole qui se trouve juste face à eux. Ce pourrait être une copie, un coup de bluff de l’empereur ou d’Iridian pour impressionner son monde. Mais Zarakis plus que tout autre sait que ce n’est pas le cas : sur la coque parsemée d’éclat de canons lasers, il peut voir de vieilles cicatrices que ses propres bâtiments ont laissé au vaisseau d’Avraham. Ce satané vaisseau ! Combien de bataille a-t-il fait pencher en la faveur du camp des rebelles ? Il arrivait toujours sans crier gare, telle une flèche noire perçant les rangs bien ordonnés des bataillons spatiaux de Zarakis, semant la terreur et la destruction dans son sillage. Toujours Avraham amenait avec lui une nouvelle surprise, un nouveau tour de magie stellaire qui venait mettre à plat les plans stratégiques travaillés avec soin. Cela ne lui amenait pas toujours la victoire mais combien de fois avait-il fait rendre gorge à des flottes deux à trois supérieures en nombre… Plus que le magicien, le leader d’homme, ce que Zarakis avait admiré chez Avraham c’était sa formidable capacité de pilotage. La Nuée Stellaire n’avait pas survécu à toutes les batailles dans lesquelles elle se jetait corps et âme que par sa supériorité technologique ; elle s’en était sorti parce que le chef du camp Arkies-Deck-Falgan-Galiossa était le plus brillant pilote de guerre que le chef de la Grande Maison Zamal ait vu à l’œuvre. Il ne l’aurait jamais admis, bien sûr, mais combien il avait eut peur de cet homme hors normes, son vaisseau noir qui par sa seule présence changeait le cours des conflits. Avraham avait été le plus valeureux des adversaires : malgré son ascendance Galiossa, un peuple de couards faibles et lâches, il y avait en lui le feu de ceux qui aiment se retrouver au centre du conflit, le courage des hommes qui ne reculent pas lorsque vient le moment de mettre leur vie en jeu. Et parce qu’Avraham avait été si fort, si puissant, sa victoire à lui, Zarakis Zamal, n’en était que plus glorieuse. Son seul regret avait été de ne jamais avoir pu abattre la Nuée Stellaire. Il aurait alors fait mourir tout espoir chez les rebelles, il le savait. Mais même lors de leur défaite à Pak’Toris, les fidèles d’Avraham avaient réussi à fuir dans leur vaisseau emblématique. Zarakis n’avait aucune idée de la façon dont Ma’Kin II avait pu mettre finalement la main sur l’ancien vaisseau de son adversaire et pourtant ami, Avraham ; mais il était là et c’est tout ce qui comptait aujourd’hui.
La troupe arrive finalement jusqu’aux portes de la salle de réception. On ouvre prestement à son arrivée et celle de sa troupe, avec des gestes frénétiques qui trahissent si bien la peur qu’ils inspirent. L’Empire dans sa totalité sait de quoi les Zamals sont capables, leur goût du combat, leur patience limitée. Ils ont toutefois oublié à quel point les Zamals sont également loyaux à Ma’Kin II, qu’ils ne feront jamais rien qui puisse déstabiliser l’Empire. Mais qui se soucierait de la mort de quelques serviteurs s’il prenait l’envie à l’un des combattants de la troupe de Zarakis de se servir de ses armes ? Un à un, les émissaires et les gardes s’effacent pour laisser la cohorte rentrer. Le spectacle est à la mesure de ce à quoi le vieux Zarakis s’attendait : une salle longue, à la hauteur démesurée, dont le mur du fond est une immense vitre qui donne sur l’espace. Au loin, on peut voir clairement Anwane qui brille dans une aura bleutée. Les Arkies sont là, bien entendu, déjà en rang les uns derrières les autres face au trône qu’occupe le jeune Entaris Iridian.
Sans qu’un mot ne soit échangé, les Zamals viennent occuper une position similaire, chacun faisant face à un représentant de la Grande Maison adverse. Seuls Kenyl Arkies et Zarakis Zamals se tiennent au premier rang devant le régisseur impérial. L’éclat de colère qu’il a vu passer sur le visage du seigneur Arkies fait sourire Zarakis : il ne s’attendait pas à cette confrontation. Il sait aussi que le pauvre Kenyl Arkies qui lui fait face ne doit rien comprendre à la situation actuelle et que son cerveau doit être proche de la surchauffe tant il doit tâcher de rattraper le retard d’information qu’il a sur ses adversaires. Lui comme les autres d’ailleurs : hormis le placide Garon Bazir, aucun des Arkies alignés les uns à côté de autres ne saisit ce qui est en train de se jouer. Scène amusante en vérité : deux colonnes d’hommes et de femmes qui se font face, deux rangées d’images d’Epinal de leur Grande Maison respective, Arkies face à Zamal. Ils se font face et dans cet affrontement du regard se cache toutes leurs différences. Il y a d’abord leurs accoutrements : alors que les Arkies arborent tous des tenues splendides mais dont l’élégance semble décalée dans un tel endroit, les Zamaals portent tous l’uniforme traditionnel noir et rouge de leur Maison. L’uniformité de leur vêtement leur confère une force sociale indéniable, une cohésion que n’ont pas les Arkies. Mais il serait stupide de se gausser du pouvoir doux de la diplomatie : les Arkies en imposent, ils sont beaux, désirables, comme Célia, la fille de Kenyl qui capte tous les regards tant sa beauté éclate au grand jour. Autre différence notable : la présence des femmes. Si les Arkies sont presque à égalité dans les sexes, il n’en est pas de même pour les Zamal qui n’ont amené ici que des hommes. Vieille tradition patriarcale contre progressisme et ouverture d’esprit. La stabilité de l’une contre la complémentarité de l’autre. Vient après l’âge des gens réuni ici : si les Arkies font la part belle à la jeunesse, au point d’en sembler naïf dans leur approche des négociations, les Zamals ne sont venus qu’entre adultes. A une exception près, personne chez les Zamals n’a moins de trente ans et Zarakis lui-même ne peut plus marcher sans sa cane de métal. Les Arkies ont toujours eut la vénération de la jeunesse, plaçant leurs espoirs dans la croyance chevillée au corps que leurs enfants seront meilleurs que ceux qui les ont précédés. Les Zamals eux avaient le culte du héros, de l’être unique, au-dessus du lot qui viendrait guider la masse vers un destin meilleur. Ils ont d’ailleurs fière allure les héros de Zarakis ! A sa gauche, il y a là Rin Eilov, le bretteur magicien, fine lame et Mage Stellaire de causes perdues. Entre Rin, homme élancé aux longs cheveux blonds qui flottent au vent, et Dartas Huji des Arkies, la tension est palpable. Juste à côté du duelliste, vient son grand ami, le général Eliat Tharn ; contrairement à Lowis Murpugo du camp Arkies, c’est un individu malin et un grand stratège, capable de juguler la peur qui s’empare de ses hommes à travers de grands discours de ralliement qui sont appris par cœur par les jeunes recrues de l’académie militaire. Juste à côté, complétant le trio guerrier des Zamals, vient Darab Mu, métisse entre une Zamale et un habitant d’Ankwane. Comme il a eu du mal à contenir son émotion lorsqu’il a foulé le sol de la planète ! Récipiendaire des arts de meurtre des habitants d’Ankwane, il a failli vaciller sous le l’afflux de la nostalgie et de la beauté du paysage. Pourtant, de tous ceux à qui les Arkies font face, c’est probablement celui est catalogué comme étant le plus dangereux tant les récits de sa rapidité et de son instinct dans le combat les ont fait trembler. Contrairement aux légendes qui courent, ce n’est pas l’un des siens qui a mit fin aux jours du père de Kenyl Arkies, plus probablement un assassin de la Grande Maison Rin. Reste que la méfiance affichée du camp adverse pour ce tueur à l’œil humide devant le spectacle de sa planète natale est bien réelle. Puis vient le dernier, le seul qui ne soit pas un vétéran gradé de la guerre civile, le plus doué de tous selon Zarakis et celui qui canalise les rêves les plus fous du maître de la Grande Maison, son petit-fils d’à peine douze ans, Perin Zamal. Il est tout juste sorti de l’enfance mais déjà on voit poindre en lui l’empreinte des grands hommes, cette marque distinctive des êtres hors normes que tous, sitôt qu’ils ont posé les yeux sur lui, savent au premier coup d’œil que son destin sera de mener le plus grand nombre vers de grandes choses.
Entre les deux lignes, impérial comme son rang le lui impose, Entaris Iridian trône avec cette assurance de ceux qui n’ont jamais été vaincus quand bien même ils ont livrés de durs combats. La puissance évidente qui émane de lui, la fatale constatation de sa domination sur ceux qui sont rassemblés ici, est visible de tous. Il les jauge, les examine, semble indifférent à leur rang, leurs exploits, leur force individuelle. Pourtant, le Planétologue n’a pas dans le regard ce mépris qu’ont souvent ceux qui acquièrent le pouvoir du jour au lendemain, sans l’éducation nécessaire pour l’exercer avec sagesse et intelligence. Il se contente d’être là, observant les divers acteurs du jeu qu’il va mettre en place dans les instants à venir. Il est la volonté de l’Empereur, le prolongement des décisions prises par Sa Majesté Ma’Kin II qui font loi sur les centaines de milliards de sujets de l’Empire. En lui, on sent toute la force et le poids de sa charge, la valeur de sa parole et de ses décisions qui décident du sort de planètes entières. Enfin, il se décide à parler.
« Nobles seigneurs, dignes héros des Grandes Maisons de l’Empire, je suis ici pour exprimer le souhait de sa Seigneurie Ma’Kin II, arbitrer et juger la compétition qui va vous opposer dans les mois à venir. Comme certains d’entre vous le savent, le seigneur tributaire de la planète autour de laquelle nous gravitons actuellement, Awkwane, est décédé il y a peu. Le sol sur lequel nous nous trouvons est donc sans maître. Il est de la volonté de Sa Majesté d’en conférer la charge à une Grande Maison afin d’en assurer la pérennité et la stabilité. Mais dans sa sagesse, l’Empereur n’a pas voulu attribuer dans la hâte la possession d’Ankwane à qui que ce soit ; c’est la raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui, afin de remplir un rôle d’arbitre dans cette décision. Ma présence démontre toute l’importance avec lequel l’Empereur s’inquiète du sort de ses sujets. Vous êtes, Arkies et Zamals, les deux seuls qui soient digne du droit de posséder Ankwane, les deux seules Grandes Maisons qui puissent prétendre à la gestion d’une planète de cette envergure afin de lui assurer un avenir à sa mesure. C’est pourquoi vous vous opposerez dans un duel d’honneur afin que je puisse déterminer à laquelle de vos deux Grandes Maisons cette planète échoira. Il s’agit pour l’Empereur de juger vos qualités respectives, votre habileté et votre intelligence. Je vous souhaite bonne chance dans cette compétition et prie pour que les Galaxies accompagnent vos décisions. »
Avec gravité, Entaris Iridian fixe tour à tour l’un et l’autre des seigneurs des Grandes Maisons qui hochent tous deux la tête chacun leur tour dans un geste d’assentiment. Comme s’ils lisaient dans l’esprit l’un de l’autre, tous deux tournent la tête pour s’affronter du regard un bref instant, confrontant leurs ambitions respectives vis-à-vis du destin d’Ankwane. S’ils avaient eu la présence d’esprit de regarder du côté de ceux qui les accompagnent, ils auraient vu de part et d’autre le même jeu de regard entre les divers intervenants rassemblés ici.
D’un geste Entaris fait signe à tous que le conseil, aussi bref que lapidaire est terminé. Après les respects d’usage, Zarakis regagne son vaisseau personnel, suivi de sa suite. Il monte dans l’engin spatial, s’assied dans le salon sur le siège qui lui est réservé, attend que tout le monde prenne place et, avec un sourire carnassier qui lui mange tout le visage, déclare dans le silence ambiant :
« Messieurs, voici la guerre. »